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LES ANDROGYNES

tête qu’il lui semblait jongler avec des étoiles !

Il avait acheté, chez un brocanteur, une délicate soie d’aïeule, ramagée d’œillets et de roses sur un fond gris très doux, et cette étoffe avait couvert les murs de leur chambre, qu’égayaient, chaque jour, des fleurs nouvelles.

Ainsi, avec leur tendresse, ils possédaient le printemps chez eux. Leur paradis leur semblait très vaste et le monde tout petit, perdu dans les brouillards de l’éloignement. Rien autour d’eux qui ne fût eux-mêmes, nul regard hostile entre leurs regards, nulle voix discordante entre leurs voix. Le soir, lorsqu’il écrivait, elle se blottissait dans le lit, lui faisait la place chaude. La lampe versait une lumière blanche, éclairant un coin de table, un fauteuil, un bout de tapis. Le reste était dans une ombre blonde, égayée, çà et là, d’un accroc d’or sur un cadre, d’une lueur de soie, d’un reflet de cuivre.

Il se tournait vers elle, sa feuille toute mouillée d’encre à la main, et il scandait ses vers, lentement, quêtant une approba-