Page:La Vaudère - Les Androgynes, 1903.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
LES ANDROGYNES

Chozelle conduisait André chez un ami de Defeuille, très luxueusement installé, qui donnait des soirées… esthétiques. La salle, où l’on introduisit les nouveaux venus, était entourée de divans bas avec, dans les angles, sur des piédestaux de marbre, des amours dorés tenant des gerbes électriques. D’autres amours, à genoux ou couchés, présentaient des corbeilles de fruits et de fleurs.

Sur des plateaux, étaient disposées des pipes et de minces pastilles verdâtres. Quelques fumeurs d’opium s’installaient déjà pour la fiction d’amour, l’oubli ou l’anéantissement.

Chauffant de longues aiguilles à la flamme d’une cire rose, qui brûlait auprès d’eux sur des guéridons, ils les introduisaient dans la pâte qui s’y fixait en boulette légère, puis garnissaient leur pipe d’argent. L’opium allumé grillait lentement, envoyant au plafond des nuages d’âcre fumée où se dessinaient les ombres des rêves évoqués.

André eut un mouvement de joie. Il pourrait donc se griser, oublier, noyer sa douleur dans la fiction morbide !