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LES ANDROGYNES

— Allons, Jacques, dit Defeuille, on n’attend plus que toi.

Chozelle serra des doigts, fit le tour de la salle en nommant chaque invité, qui, paresseusement, lui rendit son étreinte. Les yeux meurtris avaient d’inquiétantes lueurs, les mains, chargées de bagues, s’agitaient dans une fiévreuse impatience. Le couple androgyne, un peu à l’écart, ne semblait vivre que pour lui-même. Une seule pipe servait aux deux extases, et les doigts entrelacés la portaient des lèvres de l’un aux lèvres de l’autre.

Il y avait là de tout jeunes gens, presque des enfants, qui avaient des regards curieux et effrayés, une expression de dégoût et d’orgueil, de crainte et d’audace. Leur tête bouclée, blonde ou brune, reposait sur les coussins de velours, les voix avaient une résonance étrange et les idées vagues, embrouillées, inquiétantes, gardaient cependant un charme destructeur.

La nonchalance perverse, la complication cruelle et froide de tous ces détraqués les troublaient réciproquement de passions et de désirs morbides.