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LES ANDROGYNES

compagnie des fumeurs et de quelques chevaliers à la triste figure qui buvaient silencieusement. Une âcre fumée noyait les jets électriques qui n’éclairaient plus que comme de vagues quinquets dans un brouillard londonien.

Le poète ne savait plus ce qu’il y avait de réel dans ce décor, son imagination vagabondait dans les champs inquiétants du rêve. Il lui semblait que des prunelles de sortilège luisaient comme des charbons dans la nuit, et que les stryges et les empuses de Chozelle descendaient du plafond pour le baiser aux lèvres. Ces caresses avaient une saveur visqueuse et amère ; un dégoût lui soulevait le cœur. Les larves et les vampires, qui aiment le sang répandu et fuient le tranchant du glaive, peuplaient les ombres. Il se disait que ce n’étaient pas des esprits, mais des coagulations fluidiques qu’on pouvait diviser ou détruire, et tentait vainement de se lever pour les chasser. « Cependant, ajoutait-il mentalement, avec un reste de lucidité, la pensée humaine crée ce qu’elle imagine ; les fantômes de la superstition projettent leur difformité réelle