Page:La Vaudère - Les Androgynes, 1903.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
200
LES ANDROGYNES

dans les âmes et vivent des terreurs mêmes qui les enfantent. Ce géant noir qui étend ses ailes de l’Orient à l’Occident, ce monstre qui dévore les consciences, cette effrayante divinité de l’ignorance et de la peur, le Diable, en un mot, est encore, pour une immense multitude d’enfants de tous les âges, une affreuse réalité. »

À ce moment, il vit distinctement des ailes membraneuses, terminées par des griffes, palpiter au-dessus de lui, et un visage décharné, avec des orbites creuses et une bouche sans lèvres, se pencher sur le sien.

« Les hallucinations de l’opium, se dit-il, ne sont point folâtres. Tout ce qui surexcite la sensibilité conduit à la dépravation ou au crime ; les larmes appellent le sang ! Il en est des grandes émotions comme des liqueurs fortes : en faire un usage habituel, c’est en abuser. Or, tout abus des émotions pervertit le sens moral ; on les recherche pour elles-mêmes, on sacrifie tout pour se les procurer ; elles vous rongent le cœur et vous broient le crâne ! »

Il agita les bras pour éloigner un cra-