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LES ANDROGYNES

à la femme, au milieu d’une évidente hostilité :

Je chante les baisers !…

Les baisers ont les tons des cieux, des lacs, des fleurs !
Les uns, de la couleur des automnales roses,
Pleurent sur le passé des êtres et des choses,
Pleurent les deuils lointains, les charmes, les douleurs.

D’autres, d’azur léger, d’autres, ensorceleurs,
Verveines aux cœurs d’or, fiévreusement décloses,
Chantent l’amour, la vie et les métamorphoses,
D’autres tendent, sournois, des pièges d’oiseleurs !…

Quelques-uns ont le ton discret des violettes ;
Ceux-ci, presque effacés, doux et frêles squelettes,
Me semblent un essaim de grands papillons gris.

Ceux-là, sur les tombeaux, brûlent comme des cierges.
Mais le roi des baisers, dont mon cœur est épris,
Est le baiser neigeux des âmes et des Vierges !

— Peuh ! fit Jacques, vos vers ont douze pieds et la consonne d’appui ! Vous savez bien que nous avons changé tout cela. Carrément, nous faisons rimer algues avec flammes et meurtre avec œuf. Quant aux pieds, plus il y en a, mieux cela vaut. La pensée doit rester obscure, embrumée d’Au-delà, vous ne devez point vous com-