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faut enfin que la République s’affirme hautement, majestueusement, en déclarant qu’elle ne saurait voir dans un royaliste ou un impérialiste qu’un ennemi public qu’elle ne peut admettre dans le corps politique sans y amener le désordre et la perturbation. Ceux qui veulent renverser la République sont de beaucoup plus coupables que les malfaiteurs de grand chemin. Or, viendrait-il à l’idée de quelqu’un de faire d’un Cartouche ou d’un Mandrin un électeur ou un député ? Non assurément, à moins que ce quelqu’un n’appartienne à leurs bandes.

Il faut simplement rappeler les royalistes et les bonapartistes à la pudeur et à la logique. Le mot de liberté dans leur bouche est une dérision. C’est un mot de passe pour pénétrer dans la citadelle du droit, la miner, la faire sauter ou la livrer en traîtrise. Il ne faut plus leur permettre d’invoquer ce mot qui n’est chez eux qu’un mensonge. Tout homme qui se recommande du titre de royaliste ou d’impérialiste doit être déclaré inapte à élire ou à être élu par la loi constitutionnelle fondamentale. Cette profession de foi doit constituer une incapacité politique au premier chef. Il ne faut pas que les ennemis de la République se leurrent plus longtemps de la douce espérance de la renverser légalement par un vote. Il faut les obliger à cette rigoureuse nécessité d’avoir recours à leur propre principe, qui date du premier soldat qui fut heureux — la FORCE. Et ils seront mal fondés à récriminer.

De quoi se plaindraient-ils en effet ? Ils viennent de la violence ; nous les y renvoyons. Qu’ils y aient recours. Allons, messieurs, un bon coup de force ou de ruse : c’est désormais votre seul moyen de renverser le gouvernement de droit et d’établir votre gouvernement de fait.

Et il n’y aura pas lieu de s’émouvoir de l’accusation hypocrite qu’ils porteront contre nous de violer la liberté par une semblable restriction. Cette légitime mesure, au contraire, la préserverait des outrages de ses éternels ennemis.

Toutes les opinions constitutionnelles, soit progressistes, soit conservatrices, ont le droit de se produire ; leur débat fait la vie politique de la nation et de son parlement. Mais les opinions destructives de la forme comme du fond, celles qui tendent au renversement de la République, n’ont pas droit à la représentation légale.

Libre à chacun d’être catholique, protestant, juif, mahométan ; libre à chacun d’être monarchiste ou bonapartiste. Nul ne sera persécuté ou poursuivi de ce chef. Mais pour pratiquer et enseigner au nom de l’État, qui n’est pas une secte, il faut être rationnaliste, ou la Raison est un dogme sans autorité ; pour voter et légiférer au nom de l’État, qui n’est pas un parti, il faut être républicain, ou la Souveraineté du peuple est un principe sans portée sérieuse.

Les représentants de la nation ont assez à faire pour répondre à ses immenses besoins et à ses aspirations de tous ordres, sans perdre leur temps et leur dignité à combattre dans leurs propres rangs, où ils se sont glissés dans un jour de confusion et de malheur, des Catilinas-Jocrisses et des Loyola-sabreurs qui ont déjà trop abusé de notre patience. Il est temps de les livrer non aux licteurs, mais de les laisser à eux-mêmes pour les réduire à une impuissance suprême.

DZAN DE LA VELETTA.
Tahiti, 11 août 1879.