Aller au contenu

Page:La Vie Ouvrière, année 1, 5 octobre — 20 décembre 1909.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait dû traiter avec le grand chef qui dominait alors le pays, le fameux Rogui ; et il en avait obtenu, moyennant une forte somme d’argent, un acte de concession qui lui permit de travailler en paix pendant quelque temps.

Mais bientôt le Rogui descendit vers le Sud, afin d’aller renverser le sultan de Fez dont il se prétendait le frère aîné. Les tribus Riffaines qu’il contraignait à lui obéir retrouvèrent leur indépendance ; aussitôt elles se montrèrent hostiles à l’exploitation des mines ; et l’on dut interrompre les travaux.

On tenta de les reprendre en juin dernier. Mais alors les indigènes se fâchèrent. Un groupe d’ouvriers se rendant à leur travail tombèrent dans une embuscade ; trois ou quatre furent tués. Grave événement ! Aussitôt la garnison de Melilla se mobilisa.

Il est curieux de constater combien la peau des travailleurs dont on fait si bon marché dans la mère-patrie, gagne à être exportée. En France comme en Espagne on n’y attache pas grand prix ; on fait tuer quotidiennement des centaines d’ouvriers dans des grèves ou dans des entreprises dangereuses ; on en assassine chaque jour quelques-uns sur les divers points du globe, sans que cela donne lieu à des incidents diplomatiques.

Mais quand la peau des prolétaires recouvre quelque grosse combinaison financière, alors elle devient pour les gouvernements un objet infiniment précieux.

Pour quelques Maltais tués à Casablanca au service de la Compagnie Schneider, la France a envoyé huit cuirassés, débarqué dans la Chaouia 14.000 hommes et dépensé plusieurs centaines de millions.

Dans le cas actuel, c’était à l’Espagne de marcher.

La Compagnie de M. Etienne se tourna vers le gouvernement de Madrid, et le somma de la protéger : n’était-elle pas Espagnole ? M. de Romanones, député,