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Page:La Vie littéraire, I.djvu/113

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pour Jean-Jacques, le livre posthume est le livre durable.

Oui, nous aimons toutes les confessions et tous les mémoires. Non, les écrivains ne nous ennuient pas en nous parlant de leurs amours et de leurs haines, de leurs joies et de leurs douleurs. Il y a plusieurs raisons à cela. J’en découvre deux. La première est qu’un journal, qu’un mémorial, qu’un livre de souvenirs enfin échappe à toutes les modes, à toutes les conventions qui s’imposent aux œuvres de l’esprit.

Un poème, un roman, tout beau qu’il est, devient caduc quand vieillit la forme littéraire dans laquelle il fut conçu. Les œuvres d’art ne peuvent plaire longtemps ; car la nouveauté est pour beaucoup dans l’agrément qu’elles donnent. Or, des mémoires ne sont point des œuvres d’art. Une autobiographie ne doit rien à la mode. On n’y cherche que la vérité humaine. Cette remarque deviendra plus claire si je l’étends aux chroniques. Grégoire de Tours, a peint son âme et son monde dans un écrit informe et précieux. Cet écrit vit encore et nous touche. Les vers de son contemporain Fortunat n’existent plus pour nous. Ils ont péri avec la barbarie latine dont ils faisaient l’ornement.

Il faut considérer, en second lieu, qu’il y a en chacun de nous un besoin de vérité qui nous fait rejeter à certains moments les plus belles fictions. Cet instinct est profond. Il naît avec nous. Ma petite fille,