Page:La Vie littéraire, I.djvu/160

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campagnard cette joie de détruire qui ajoute, dit-on, à la joie de vivre, et qui entretient en santé les rudes veneurs. Il y a peu de temps, sentant son déclin et la vanité de l’effort, une image familière lui vint à l’esprit ; son œuvre politique lui apparut comme un long hallali, et il se compara lui-même à « un chasseur épuisé de fatigue ». Il nage comme il chasse. Il se plonge dans l’eau des fleuves, des lacs et des océans avec délices. Il semble que la mer soit la grande volupté de ce géant chaste. Il lui donne les noms de belle et de charmante. « J’attends avec impatience, écrit-il un jour, le moment de presser son sein mouvant sur mon cœur. » Il a pour sa terre un amour de propriétaire campagnard.

En 1870, il disait un matin, à Versailles : « J’ai eu cette nuit, pour la première fois depuis longtemps, deux heures de bon sommeil réparateur. Ordinairement je reste éveillé, l’esprit rempli de toutes sortes de pensées et d’inquiétudes ; puis Varzin se présente tout à coup, parfaitement distinct, jusque dans les plus petits détails, comme un grand tableau avec toutes ses couleurs. Les arbres verts, les rayons de soleil sur l’écorce lisse, le ciel bleu au dessus. Impossible, malgré mes efforts, d’échapper à cette obsession… » Aujourd’hui, dit-on, le prince de l’empire n’est jamais si heureux que lorsqu’il parcourt ce rustique domaine « en grandes bottes bien graissées ». Il goûte la campagne en homme pratique, se préoccupant des gelées, des bœufs malades, des moutons