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Page:La Vie littéraire, I.djvu/202

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LES FOUS DANS LA LITTÉRATURE.

levant avec cette agitation à laquelle il était souvent en proie dans les derniers temps de sa vie, des fous ! Ceux-là seuls m’amusent.

Et il poussa dehors par les épaules le visiteur étonné.

Les fous, Charles Dickens les aima toujours, lui qui décrivit avec une grâce attendrie l’innocence de ce bon M. Dick. Tout le monde connaît M. Dick, puisque tout le monde a lu David Copperfield. Tout le monde en France : car il est aujourd’hui de mode en Angleterre de négliger le meilleur des conteurs anglais. Un jeune esthète m’a confié tantôt que Dombey and Son n’était lisible que dans les traductions. Il m’a dit aussi que Lord Byron était un poète assez plat, quelque chose comme notre Ponsard. Je ne le crois pas. Je crois que Byron est un des plus grands poètes du siècle, et je crois que Dickens exerça plus qu’aucun autre écrivain la faculté de sentir ; je crois que ses romans sont beaux comme l’amour et la pitié qui les inspirent. Je crois que David Copperfield est un nouvel évangile. Je crois enfin que M. Dick, à qui j’ai seul affaire ici, est un fou de bon conseil, parce que la seule raison qui lui reste est la raison du cœur et que celle-là ne trompe guère. Qu’importe qu’il lance des cerfs-volants sur lesquels il a écrit je ne sais quelles rêveries relatives à la mort de Charles Ier ! Il est bienveillant ; il ne veut de mal à personne, et c’est là une sagesse à laquelle beaucoup d’hommes raisonnables ne s’élèvent point comme lui.