Page:La Vie littéraire, I.djvu/228

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guerre français, il opposait à l’accusation le témoignage de son honneur.

— Dans votre position, lui dit le président, vous ne pouvez invoquer l’honneur.

En entendant ces mots, Carrel saisit sa chaise, et il allait la lancer à la tête du président lorsqu’il fut entraîné hors de la salle par les soldats qui le gardaient.

Voilà l’homme peint en trois traits. La fierté fut le ressort de son âme. Aussi n’est-il pas surprenant que, dès l’adolescence, il se soit senti du goût pour les armes. Ce n’est pas à dire qu’il eût la vocation militaire. Les vertus qui lui manquaient pour faire un soldat exemplaire ne sont pas, peut-être, les plus éclatantes ; ce ne sont pas assurément les moins nécessaires. Il ne savait pas obéir. L’esprit de sacrifice lui fit toujours défaut. Il ne soupçonna jamais ce sublime amour du renoncement qui fait les bons prêtres et les bons soldats. Aussi verrons-nous qu’il resta peu de temps au service et fut loin de s’y conduire d’une manière irréprochable.

Il fut nommé sous-lieutenant l’année de la mort de Napoléon. C’était un douloureux moment pour entrer dans l’armée. Il est vrai que la loi Gouvion Saint-Cyr, votée en 1818, malgré l’opposition des royalistes ultra, retirait l’avancement au bon plaisir du roi pour le soumettre à des règles fixes. Il est vrai que beaucoup d’officiers de l’Empire étaient rentrés dans les cadres. Mais le commandement s’exerçait encore bien souvent dans un esprit de haine et de rancune. Les vieux sol-