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M. CUVILLIER-FLEURY.

— Mon prix d’honneur ! s’écria-t-il. Je l’ai obtenu en 1819. J’étais alors en rhétorique, à Louis-le-Grand. Je le lègue à…

Et il prononça deux noms : le nom de l’admirable compagne qui devait bientôt lui fermer les yeux et celui du prince dont il avait été le maître, puis le confrère et l’ami.

Tandis qu’il parlait, ses yeux éteints s’étaient mouillés de larmes. J’étais seul à le voir. Il me toucha ; car je vis aussitôt tous les vieillards en celui-là. Au déclin de la vie, les souvenirs de notre jeunesse envolée ne nous envahissent-ils pas d’une douce et délicieuse tristesse ? Heureux le roi de Thulé ! Heureux aussi le vieux critique de l’avenue Raphaël ! Heureux qui meurt en pressant sur son cœur la coupe d’or de la première amante ou le livre témoin d’une studieuse adolescence ! Les reliques du cœur et celles de l’esprit sont également chères et sacrées.

Il me semble que cette anecdote, pour peu qu’on l’ornât, ferait assez bon effet dans l’éloge académique de M. Cuvillier-Fleury. Je puis me tromper, faute d’étude et de vocation. En tout cas, c’est de bon cœur que je l’offrirais au successeur de l’académicien zélé que nous enterrons aujourd’hui, à M. J.-J. Weiss, par exemple[1].

  1. On sait que M. Weiss n’a pas été élu. L’Académie a manqué l’occasion, pourtant assez rare, d’admettre un véritable écrivain.