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Page:La Vie littéraire, I.djvu/347

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compte qu’on se rende de l’élaboration d’un si haut idéal, on reconnaîtra que M. Ernest Renan ne s’était pas trompé sur la nature et l’étendue de ses aptitudes, en dirigeant son esprit vers de telles recherches. Le sujet exigeait les qualités les plus rares de l’intelligence, et même les plus contradictoires. Il y fallait un sens critique toujours en éveil, un scepticisme scientifique capable de défier toutes les ruses des croyants et leurs candeurs plus puissantes que leurs ruses. Il y fallait, en même temps, un vif sentiment du divin, un instinct secret des besoins de l’âme humaine et comme une piété objective. Or, cette double nature se rencontre en M. Ernest Renan avec une extraordinaire richesse. Étranger à toute communion de fidèles, il a au plus haut point le sentiment religieux. Sans croire, il est infiniment apte à saisir toutes les délicatesses des croyances populaires. Si l’on veut bien me comprendre, je dirai que la foi ne le possède point, mais qu’il possède la foi. Heureusement doué pour son œuvre, il s’y prépara sérieusement. Né artiste, il se fit savant. Sa jeunesse fut vouée à un labeur acharné. Pendant vingt ans, il étudia jour et nuit, et acquit une telle habitude de l’effort qu’il put accomplir dans sa maturité de grands travaux avec la quiétude d’un génie contemplatif. Aujourd’hui, tout lui est facile, et il rend tout facile. Enfin, il est artiste, il a le style, c’est-à-dire les nuances infinies de la pensée.

Il faut dire que, si M. Renan était fait pour écrire