Page:La Vie littéraire, I.djvu/348

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sur les origines du christianisme, il vint au moment propice. Le travail était préparé, les esprits disposés. La curiosité était née avec le doute. La philosophie du dix-huitième siècle avait affranchi les intelligences et pénétré même la théologie protestante. Les textes, longtemps sacrés, étaient étudiés avec beaucoup de critique en France, avec beaucoup de savoir en Allemagne. M. Renan trouva tout préparés les matériaux de son histoire. La substance était là. Il lui donna la forme, il lui donna l’âme, étant artiste et poète.

C’est généralement une imprudence de croire à la nouveauté des idées et des sentiments. Il y a longtemps que tout a été dit et senti, et nous retrouvons le plus souvent ce que nous croyons découvrir. Pourtant, les intelligences de ce temps ont, ce semble, une faculté nouvelle : celle de comprendre le passé et de remonter aux lointaines origines. De tout temps, sans doute, l’homme a gardé quelques souvenirs et fixé quelques traditions. Il a depuis longtemps des annales écrites, et c’est même ce qui le distingue des animaux, autant et plus que l’habitude de porter des vêtements. Il disait bien : « Nos pères faisaient ceci ou cela. » Mais les différences qu’il y avait d’eux à lui ne le frappaient guère. Il prêtait volontiers au passé le plus lointain la figure du présent. Il n’était point sensible aux diversités profondes que le temps apporte dans les modes de la vie. Il se figurait l’enfance du monde sous les traits de sa ma-