Page:La Vie littéraire, I.djvu/42

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de son dernier roman cette idée que, pour la conduite des hommes, le goût vaut l’intelligence et la probité. Je n’irai pas jusque-là ; mais il est vrai que le goût suppose la justesse de l’esprit, la délicatesse des sentiments et plusieurs fortes qualités dont il est la fleur.

M. Léon Say a du goût. Il y paraît dans l’élégante simplicité, dans la clarté abondante de sa parole.

Ses discours politiques, particulièrement ceux qui traitent de finances, sont d’un art achevé. Tout y semble facile. C’est un rare plaisir que d’entendre M. Léon Say à la tribune du Sénat. La voix est claire. Au début, elle semble un peu aigre. C’est justement ce qu’il faut pour qu’on sache gré à l’orateur de l’adoucir ensuite. Dès la seconde phrase, elle ne garde d’aigu que ce qu’il faut pour bien entrer dans les oreilles. Elle les mord sans les blesser. La diction, bien qu’aisée, n’est pas coulante à l’excès. M. Léon Say n’a pas cette parole savonnée qui glisse et ne pénètre pas. Certes, la tribune n’est pas faite pour les orateurs pénibles ; ceux-là font partager à leurs auditeurs la fatigue qu’ils éprouvent ; par une sympathie involontaire, on souffre de leur souffrance. Mais un orateur dont la parole est trop fluide et se répand d’un cours égal n’inspire, dans une Assemblée, qu’un intérêt superficiel. Il faut que celui qui parle paraisse chercher et choisir ses idées et ses paroles. La recherche doit être rapide et le choix