Page:La Vie littéraire, I.djvu/41

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il est ferme ; il frappe juste et fort. Il a plus d’énergie que de grâce et plus de droiture que de souplesse. Ses créations ne laissent rien à deviner. Le maître les jette en pleine lumière. Elles n’ont rien d’inachevé, rien de mystérieux. On n’avait qu’à nommer la Vigueur et la Probité pour faire apparaître M. Émile Augier entre ses deux Muses. À Dieu ne plaise, monsieur Léon Say, que vous sachiez ces choses aussi bien que moi. À Rome, au temps de Néron, certain tribun des soldats, fils d’un honnête publicain, montrait dans l’administration militaire des talents qu’il avait précédemment exercés dans l’administration civile. Il était laborieux et sage, mais il dormait au théâtre. Il n’en parvint pas moins à la première magistrature de l’État. Je soupçonne M. Léon Say d’avoir quelquefois sommeillé de même au Théâtre-Français pendant qu’on jouait Gabrielle ou les Fourchambault. Il n’y a pas grand mal à cela et M. Émile Augier est le premier, j’en suis sûr, à lui pardonner. Les hommes d’État n’ont pas toujours le loisir de fréquenter les Muses ; il faut seulement qu’ils ne se brouillent pas avec elles, car ce serait se brouiller avec la grâce et la persuasion, et qu’est-ce, je vous prie, qu’un président du conseil sans la persuasion et la grâce ? Il faut beaucoup de choses pour gouverner, beaucoup de bonnes choses et quelques mauvaises. Ne vous y trompez pas : il y faut du goût. Sans le goût, on choque ceux mêmes qui n’en ont pas. Mon confrère et ami M. Adolphe Racot prête au héros