Page:La Vie littéraire, II.djvu/172

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La petite marionnette qui représenterait la Pucelle serait taillée naïvement, comme par un bon imagier du XVe siècle, et de la sorte nos yeux verraient Jeanne d’Arc à peu près comme nos cœurs la voient, quand ils sont pieux. Enfin, puisqu’il est dans la nature de l’homme de désirer sans mesure, je forme un dernier souhait. Je dirai donc que j’ai bien envie que les marionnettes nous représentent un de ces drames de Hroswita dans lesquels les vierges du Seigneur parlent avec tant de simplicité. Hroswita était religieuse en Saxe, au temps d’Othon le Grand. C’était une personne fort savante, d’un esprit à la fois subtil et barbare. Elle s’avisa d’écrire dans son couvent des comédies à l’imitation de Térence, et il se trouva que ces comédies ne ressemblent ni à celles de Térence, ni à aucune comédie. Notre abbesse avait la tête pleine de légendes fleuries.

Elle savait par le menu la conversion de Théophile et la pénitence de Marie, nièce d’Abraham, et elle mettait ces jolies choses en vers latins, avec la candeur d’un petit enfant. C’est là le théâtre qu’il me faut. Celui d’aujourd’hui est trop compliqué pour moi. Si vous voulez me faire plaisir, montrez-moi quelque pièce de Hroswita, celle-là, par exemple, où l’on voit un vénérable ermite qui, déguisé en cavalier élégant, entre dans un mauvais lieu pour en tirer une pécheresse prédestinée au salut éternel. L’esprit souffle où il veut. Pour accomplir son dessein, l’ermite feint d’abord d’éprouver des désirs charnels. Mais, — ô candeur immarcescible de la bonne Hroswita ! — cette scène est d’une chasteté