Page:La Vie littéraire, II.djvu/173

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exemplaire. « Femme, dit l’ermite, je voudrais jouir de ton corps.— Ô étranger, il sera, fait selon ton désir et je vais me livrer à toi. » Alors l’ermite la repousse et s’écrie : « Quoi, tu n’as pas honte… » etc.

Voilà comment l’abbesse de Gandersheim s’entendait à conduire une scène. Elle n’avait pas d’esprit. Elle jetait innocente comme un poète, c’est pourquoi je l’aime. Si j’obtiens jamais l’honneur d’être présenté à l’actrice qui tient les grands premiers rôles dans le théâtre des Marionnettes, je me mettrai à ses pieds, je lui baiserai les mains, je toucherai ses genoux et je la supplierai de jouer le rôle de Marie dans la comédie de mon abbesse.— Je dirai : Marie, nièce de saint Abraham, fut ermite et courtisane. Ce sont là de grandes situations qui s’expriment par un petit nombre de gestes. Une belle marionnette comme vous y surpassera les actrices de chair. Vous êtes toute petite, mais vous paraîtrez grande parce que vous êtes simple. Tandis qu’à votre place une actrice vivante semblerait petite. D’ailleurs il n’y a plus que vous aujourd’hui pour exprimer le sentiment religieux. »

Voilà ce que je, lui dirai, et elle sera peut-être persuadée. Une idée véritablement artiste, une pensée élégante et noble, cela doit entrer dans la tête de bois d’une marionnette plus facilement que dans le cerveau d’une actrice à la mode[17].

[Note 17 : Par l’intercession de M. Maurice Bouchor, mon vœu a été exaucé. Les marionnettes de M. Signoret ont joué depuis l’Abraham de Hroswita. Il sera parlé de cette représentation dans la suite de ces causeries.]