C’est bien le même homme qui écrivait à celle qui avait fixé son cœur :
« Si je veux comparer mon sort avant de te connaître à mon sort depuis que je te connais, je puis déjà voir que j’ai été bien plus heureux après quarante ans qu’auparavant. Ce n’est pourtant pas ordinairement l’âge des plaisirs ; mais les vrais plaisirs n’ont point d’âge : ils ressemblent aux anges, qui sont des enfants éternels ; ils te ressemblent à toi qui charmeras et aimeras toujours. Ainsi ne nous attristons point ou, si nos réflexions nous affectent malgré nous, tirons-en du moins des réflexions consolantes en pensant que nous n’avons perdu que le faux bonheur, que le véritable nous reste encore, que notre esprit est capable de le connaître et que notre cœur est digne d’en jouir. »
Il y avait chez cet homme, en apparence léger et frivole un grand fonds d’énergie et de constance. Boufflers avait l’âme forte et le cœur généreux. Ce n’est pas un voluptueux vulgaire, l’homme qui, partant pour le Sénégal, écrit à madame de Sabran : « Ma gloire, si j’en acquiers jamais, sera ma dot et ta parure… Si j’étais joli, si j’étais jeune, si j’étais riche, si je pouvais t’offrir tout ce qui rend les femmes heureuses à leurs yeux et à ceux des autres, il y a longtemps que nous porterions le même nom et que nous partagerions le même sort. Mais il n’y a qu’un peu d’honneur et de considération qui puisse faire oublier mon âge et ma pauvreté, et m’embellir aux yeux de tout ce qui nous verra comme ta tendresse t’embellit à mes yeux. »
—