Page:La Vie littéraire, II.djvu/200

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tous les lundis avec une grâce diabolique. Il dit tout et veut n’avoir rien dit. Son infirmité est de trop comprendre. Quelle autorité n’aurait-il point acquise s’il était de moitié moins intelligent ? Mais il voit l’envers des idées. Une telle perspicacité ne se pardonne guère. Il concilie ce qui d’abord ne semblait pas conciliable ; il porte d’instinct, dans son âme charmante et mobile, la riche philosophie d’Hegel : s’il rencontre des idées ennemies, il les réconcilie en les embrassant toutes ensemble. Puis il les envoie promener. C’est là certainement la sagesse : on ne la pardonne pas. En politique comme en littérature, ce que nous estimons le plus chez nos amis, c’est la partialité de leur esprit et l’étroitesse de leurs vues. Quand on est d’un parti, il faut d’abord en partager les préjugés. M. Jules Lemaître n’est d’aucun parti. Il a l’intelligence absolument libre. Je le tiens pour un vrai philosophe qui contemple le monde, et, s’il s’est pris de goût pour le théâtre, c’est sans doute qu’il y a vu une sorte de microcosme. En effet, le théâtre est le monde en miniature. Qu’est-ce qu’une comédie, sinon une suite d’images formées dans le mystère d’une même pensée ? Or, cette définition convient également bien à une pièce de théâtre et à l’univers visible. Les images nous frappent ; nous ignorons la pensée qui les assemble : il faut qu’on nous la montre. C’est l’emploi du philosophe ou du critique dramatique, selon qu’il s’agit du plan divin ou d’un plan de M. Alexandre Dumas.

M. Jules Lemaître s’occupe même de théâtre dans ses