Page:La Vie littéraire, II.djvu/219

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le long des boulevards, une notice sur les Hottentots du Jardin d’acclimatation. Je n’ai pas manqué de l’acheter parce que je suis badaud et museur de ma nature. Semblablement au temps de la Ligue, un autre Parisien, pour lequel j’ai beaucoup de sympathie, Pierre de l’Estoile, achetait tous les libelles qui se criaient sous ses fenêtres, dans la vieille rue de Saint-André-des-Arcs. J’ai lu cette notice avec assez de plaisir, et j’y ai trouvé une chanson à la lune, qu’un poète, Namaqua ou Korana, a composée il y a dix ans ou mille ans, je ne sais, et qui se chante, dit-on, dans des kraals, sous la hutte d’écorce, au son des guitares sauvages.

» Voici celle chanson :

« Sois la bienvenue, chère lune ! Nous avions le regret de ta belle lumière. Tu es une amie fidèle. Pour toi ce tendre agneau et ce tabac excellent. Mais si tu ne reçois point nos offrandes, nous mangerons et nous fumerons pour toi, chère lune. »

» Ce n’est pas là une chanson bien poétique. Les Hottentots n’ont ni dieu ni poésie ; ou du moins ils pensent que Dieu ne s’occupe pas des affaires humaines ; en quoi, je le dis en passant, ils pensent comme plusieurs de nos grands philosophes. Les Hottentots n’ont point d’idéal. Et pourtant leur petite chanson à la lune me touche. Je la comprends quand on me la traduit. Et MM. José-Maria de Hérédia et Catulle Mendès ont beau me traduire à l’envi des sonnets de la nouvelle école, je n’y entends absolument rien. Je le répète, je me trouve plus voisin d’un pauvre sauvage que d’un décadent.