Page:La Vie littéraire, II.djvu/244

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Cette date est donnée pour certaine. Mais elle peut ne l’être pas, et, à tout bien considérer, il serait merveilleux qu’elle le fût. Ses parents étaient de riches laboureurs qui vivaient des bienfaits du Nil. Ils ne devaient pas être très différents de ces laboureurs qui ensemençaient les mêmes champs quatre mille ans plus tôt et que nous voyons représentés demi-nus, les cheveux épais et noirs, le corps rouge comme la brique, les épaules larges, lai taille mince, dans les hypogées de l’ancien empire. C’étaient de bonnes gens, ignorants et fidèles. Ils étaient chrétiens, comme tous les paysans de la Thébaïde. L’Évangile fructifiait parmi ces âmes simples et résignées ; le doux Égyptien avait passé insensiblement du culte d’Ammon, dieu unique en trois personnes, à la religion de Jésus-Christ. La culture grecque avait sans doute pénétré dans les petites villes voisines d’Arsinoé, d’Aphrodite et d’Héraclée ; mais les plus riches paysans, les anciens des villages, comme étaient les parents d’Antoine, se montraient rebelles à l’esprit hellénique. L’église où, sous le nom de Jésus, ils retrouvaient le vieux, dieu de leurs pères, satisfaisait complètement à leur besoin d’idéal. Antoine, en bon petit copte qu’il était, ne voulut point apprendre les lettres humaines dans les écoles. Contemplatif et sauvage, il restait volontiers enfermé dans la maison. On peut se figurer cette maison comme un petit dé blanc que reflète le Nil à côté d’un maigre bouquet de palmiers. L’intérieur de la demeure est nu, frais et sombre. C’est là que, tout le jour, le petit Antoine se tient accroupi, sur une natte.