Page:La Vie littéraire, II.djvu/245

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À quoi songeait-il ? À Dieu, qu’il se représentait avec une extrême naïveté. Déjà il devait avoir des visions ; mais ces visions étaient très simples, très sèches. Il n’existait pas alors, pour les fleurir, un assez épais rameau de légendes chrétiennes. L’imagination d’Antoine, bien qu’exaltée par la solitude, devait garder à jamais l’aridité du désert. Hors le culte et quelques lambeaux des Écritures, il ne savait rien. Tout l’univers se résumait pour lui en quelques contes de voleurs et de souterrains, tels qu’il en courait en Égypte depuis des milliers d’années et fort semblables, sans doute, à ceux qu’Hérodote s’est donné le plaisir de conter.

Il n’avait pas vingt ans quand ses parents, étant morts, lui laissèrent leurs champs fécondés par les larmes de cette vieille Isis que la sainte Vierge avait chassée. Mais Antoine n’aimait pas la terre ; il n’avait pas les goûts d’un paysan. C’était, dès l’adolescence, un religieux ; il avait le don des choses divines ; il était marqué du signe des voyants ; son tempérament le destinait à la sainteté. Chez ces Orientaux, certaines facultés physiques, soit naturelles, soit acquises, désignaient l’homme divin à la vénération publique. Antoine possédait ces facultés au plus haut degré. Il pouvait demeurer longtemps immobile et à jeun. C’était le grand point. Il avait aussi beaucoup d’intelligence et, dans son ignorance, une grande finesse, une indomptable énergie, un pouvoir irrésistible sur les âmes.

On raconte que, six mois après avoir perdu ses parents, il entra dans l’église au moment où le diacre