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la vie littéraire.

vers l’Allemagne. Il a vu jouer Shakespeare à Londres et il y a moins compris que n’avaient fait Voltaire, Letourneur et Ducis. Le feu qui court dans ses veines n’est pas la flamme subtile qui dévora Werther. Il ne porte pas en lui le grand vague, le malaise infini des temps nouveaux. Il n’est point épris de cette folie de gloire et d’amour qui va saisir les enfants de la Révolution. Il n’a aucune des aspirations de l’esprit moderne. On citerait sans peine, des vers de Lemierre, de Millevoye, de Fontanes, de Chênedollé, qui nous, touchent de plus près que les siens par le ton, l’accent et le sentiment. Il est le moins romantique des poètes. Lamartine l’a bien senti, malgré son peu de critique et d’étude. En cette jeune victime de la Terreur il a flairé, avec la certitude de l’instinct, l’adepte, le séide de ce xviiie siècle abhorré, l’ennemi. C’est là, sans aucun doute, la cause secrète et profonde d’une antipathie qui s’exprime avec une aveugle injustice dans le Cours familier de littérature. Imaginez, en effet, qu’André, échappé aux bourreaux, ait vécu sous le consulat. Nul doute qu’il n’eût fréquenté la société de Suard et de Morellet. Il aurait été du groupe des philosophes, épousant les passions et les préjugés de ses amis ; il aurait difficilement compris l’état d’âme auquel répondit le concordat en politique et le Génie du Christianisme dans les lettres. Le voyez-vous publiant son Hermès, travaillant dans le didactique, traitant Atala de triste capucinade, raillant les nouveaux barbares stupidement épris de l’architecture des Goths, et déplorant le retour du fanatisme ?