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anthologie

dent des élégies et des églogues d’André, c’est un fait que Symetha fut composée en 1817 et la Dryade en 1815, deux ans, quatre ans avant la première édition des œuvres de Chénier. En dernière analyse, c’est dans les Poèmes antiques de M. Leconte de Lisle et dans les sonnets de M. José-Maria de Heredia, qu’au sentiment de M. Becq de Fouquières se résume l’action de Chénier sur la poésie moderne. Pour ma part, je ne découvre aucune ressemblance entre la muse hispano-latine de M. de Heredia et les nymphes de Luciennes qu’évoquait l’amant de Fanny. Quant à M. Leconte de Lisle, on sait que plusieurs de ses premiers poèmes sont des études d’après l’antique. Il s’abreuva aux sources ; c’est dans Homère, dans Hésiode, dans Théocrite, et non dans André Chénier, qu’il cherchait des formes et des images.

Je dirai plus généralement que l’influence d’André Chénier n’est sensible chez aucun des poètes de ce siècle, et c’est par pure fantaisie que les éditeurs de la nouvelle Anthologie ont placé l’Aveugle et la Jeune Captive en tête du recueil, comme un portique Louis XVI à l’entrée d’un édifice moderne.

D’ailleurs, le divin André n’en mérite pas moins d’immortels honneurs. Il n’a rien à craindre d’une critique rationnelle et fondée sur l’histoire. Au contraire, plus on l’étudie et mieux on l’admire. Rendu à son temps, replacé dans son milieu, remis dans son vrai cadre, il n’apparaît plus seulement comme un délicieux artisan de petits tableaux et de figurines pseudo-grecques et néo-romaines, une sorte de peintre à la cire et