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la vie littéraire.

de coroplaste tout riant des souvenirs de Pompéi ; c’est une âme ardente et vertueuse, c’est un mâle génie où souffle l’esprit d’un siècle. Et quel siècle ! le plus hardi, le plus aimable, le plus grand ! Voyons-le donc, notre André, tel qu’il fut en pleine vie, au milieu des choses. Voyons-le mêlé au peuple et aux héros de 1789, partageant leur puissant idéal et leurs nobles illusions. Regardez cet homme au large front, plein de pensées et d’images, au cou d’athlète, petit, bilieux, qui, l’œil en feu, s’est jeté dans la mêlée des partis, et qui consacra à la liberté son cœur, son génie, sa vie ; c’est lui, c’est le généreux André. Il unit à la sagesse d’un politique la candeur d’un héros. Il veut bien être dupe, si la vertu est trompée avec lui. Ce n’est pas seulement un artiste ingénieux, c’est un bon citoyen, c’est un homme, c’est un grand homme. Courageux, éloquent, fidèle, sage avec énergie, pur au milieu des crimes, étranger à la violence parce qu’il ignore la peur, il a le droit de dire :

Toi, Vertu ! pleure ai je meurs.

Sa vie est courte, mais elle est remplie. Non, ce n’est pas un chanteur insoucieux que les prescripteurs ont fauché par hasard. André Chénier était désigné aux bourreaux par son courage, par son amour de la liberté, par son respect des lois. Il a vraiment mérité sa mort. Il était digne du martyre politique. C’est une grande victime à qui nous devons un monument expiatoire.