Page:La Vie littéraire, II.djvu/296

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un arbre ; encore faut-il quelque suite, même dans un rêve. Cette figure de la France féodale, que nous venons de dessiner d’un trait grêle et d’une couleur trop vive à l’exemple des enlumineurs des XIVe et XVe siècles, c’est l’art, c’est la littérature épique, lyrique et sacrée de ces temps, telle que nous la présente M. Gaston Pâris, qui nous en a suggéré l’idée.

M. Pâris n’est pas seulement un savant. Il unit au goût littéraire le sens philosophique, et son Manuel de vieux français, dont je vous parle ici, n’a tant d’intérêt que parce qu’on y voit constamment les idées générales sortir de l’ensemble des faits. L’auteur nous montre d’abord la fatalité qui ne cessera de peser sur toute la littérature du moyen âge et qui déterminera finalement son caractère. Les clercs, qui presque seuls lisaient et écrivaient, gardèrent l’usage du latin. Ils considéraient cette langue comme le seul instrument digne d’exprimer une pensée sérieuse. « C’est là, dit M. Pâris, un événement d’une grande importance, un fait capital, qui détruisit toute harmonie dans la production littéraire de cette époque : il sépara la nation en deux et fut doublement funeste, en soustrayant à la culture de la littérature nationale les esprits les plus distingués et les plus instruits, en les emprisonnant dans une langue morte, étrangère au génie moderne, où une littérature immense et consacrée leur imposait ses idées et ses formes, et où il leur était à peu près impossible de développer quelque originalité. »

Dédaignés des gens instruits, les écrits en langue vulgaire