Page:La Vie littéraire, II.djvu/297

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ne s’adressaient guère qu’aux ignorants. Ce ne pouvait donc être d’abord que des contes et des chansons. Et puisque ces chansons étaient faites pour le plaisir des nobles et des bourgeois qui ne lisaient point, il fallait les leur lire ou mieux les leur chanter. Aussi la Chanson de Roland, et généralement tous les vieux gestes étaient-ils chantés par des jongleurs. De là le caractère essentiellement populaire de la littérature française au moyen âge.

Cette littérature abondante et naïve, brutale et pourtant ingénieuse comme le peuple dont elle était l’idéal, fut surtout modelée par les mains les plus habiles à sculpter les âmes, les mains de l’Église. L’Église la tailla comme une image. Elle lui donna ses principaux caractères : une foi naïve, un air d’enfant tendre et cruel, un goût du merveilleux familier et rustique, une peur disgracieuse de la beauté, de la chair (ce qui ne l’empêchait pas d’être obscène quand il lui en prenait fantaisie), une quiétude parfaite, la certitude absolue de posséder l’immuable vérité. Ce dernier trait, le trait essentiel, a été admirablement marqué par M. Gaston Pâris.

« Le nom, dit ce savant, que nous avons donné au moyen âge, indique combien il fut réellement transitoire, et cependant ce qui le caractérise le plus profondément, c’est son idée de l’immutabilité des choses. L’antiquité, surtout dans les derniers siècles, est dominée par la croyance à une décadence continue ; les temps modernes, dès leur aurore, sont animés par la foi en un