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pauvre pêcheur n’a pas plus de réalité objective que le spectre de Banquo, et qu’il est le produit d’une hallucination généreuse. Quand elle vit son père revenu du fond de la mer où il était couché depuis plusieurs mois, Élise ne dormait pas.
Non, elle ne dormait pas. À la lueur douce de la lune, elle reconnut distinctement, l’un après l’autre, les objets familiers, tels qu’elle les avait retrouvés tout à l’heure à son retour ; le petit lit en armoire, sous l’escalier du grenier ; le grand buffet où scintille sous un globe le bouquet de mariage de la mère, une rose énorme feuilletée d’or ; puis, de chaque côté, les deux flambeaux d’étain, puis les filets, les engins de pêche, suspendus partout, aux murs, aux poutres du plafond. Tous ces vieux compagnons de sa vie d’autrefois, elle les tenait là sous les yeux, dans leur forme précise, matérielle, avec leurs contours et leurs couleurs.
Elle ne dormait pas et cependant elle ne pouvait se tourner vers la porte sans retrouver en face d’elle un visage triste et doux, à l’oeil clair, aux rides bonnes.
— Père, que me voulez-vous ?
Pour la première fois, depuis qu’elle l’avait perdu, Élise revoyait vraiment son père, tel qu’il était en son vivant, avec le gros bonnet de loutre, le foulard rouge et le maillot brun. Il la grondait doucement de l’abandonner, lui, le père, au fond des sables, de n’avoir pas tenté l’impossible auprès des autorités maritimes, pour demander, comme cela s’obtient parfois, qu’on draguât la place, qu’on arrachât à l’abîme des fonds les corps, qui ne peuvent connaître le repos en dehors de la terre aimée….
— Père, je vous le jure, je ne prendrai de repos que je ne vous aie enterré aux côtés de la mère.