Page:La Vie littéraire, II.djvu/346

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ceux des jésuites. Les tentes des soldats ressemblaient aux riches pavillons qu’on voit dans les tapisseries ; les palais étaient imités de ceux de la Renaissance, l’artiste n’ayant pas imaginé qu’on pût rien représenter de plus vieux en ce genre. Il y avait des nymphes de Jean Goujon dans la fontaine où se baignait Bethsabé. C’est pourquoi ces images me donnaient l’idée d’une antiquité profonde. Je doutais que mon grand-père lui-même, bien qu’il eût été blessé à Waterloo, en souvenir de quoi il portait toujours un bouquet de violettes à sa boutonnière, eût pu connaître la tour de Babel et les bains de Bethsabé. Oh ! ma vieille Bible en figures, quelles délices j’éprouvais à la feuilleter le soir quand mes prunelles nageaient à demi déjà dans les ondes ravissantes du sommeil enfantin ! Comme j’y voyais Dieu en barbe blanche ! Ce qui est peut-être après tout la seule façon de le voir réellement. Comme je croyais en lui !

Je le trouvais, entre nous, un peu bizarre, violent et colère ; mais je ne lui demandais pas compte de ses actions : j’étais habitué à voir les grandes personnes agir d’une façon incompréhensible. Et puis j’avais alors une philosophie : je croyais à l’infaillibilité universelle des hommes et des choses. J’étais persuadé que tout était raisonnable dans le monde et qu’une aussi vaste chose était conduite sérieusement. C’est une sagesse que j’ai laissée avec ma vieille Bible. Quels regrets n’en ai-je pas ! Songez donc ! Être soi-même tout petit et pouvoir atteindre le bout du monde après une bonne promenade ! Croire qu’on a le secret de l’univers dans