Page:La Vie littéraire, II.djvu/38

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l’antiquité. Ils ressemblent mieux encore aux figures grossières par lesquelles les sauvages essayent de montrer l’invisible. Et à quoi ressembleraient-ils, sinon à des idoles, puisqu’ils sont eux-mêmes des idoles ? Leur fonction est absolument religieuse. Ils apportent aux petits enfants la seule vision du divin qui leur soit intelligible. Ils représentent toute la religion accessible à l’âge le plus tendre. Ils sont la cause de nos premiers rêves. Il inspirent nos premières craintes et nos premières espérances. Pierrot et Polichinelle contiennent autant d’anthropomorphisme divin qu’en peuvent concevoir des cerveaux à peine formés et déjà terriblement actifs. Ils sont l’Hermès et le Zeus de nos bébés. Et toute poupée est encore une Proserpine, une Cora pour nos petites filles. Je voudrais que ces paroles fussent prises dans leur sens le plus littéral. Les enfants naissent religieux, M. Hovelacque et son conseil municipal ne voient de dieu nulle part. Les enfants en voient partout. Ils font de la nature une interprétation religieuse et mystique. Je dirai même qu’ils ont plus de relations avec les dieux qu’avec les hommes, et cette proposition n’a rien d’étrange si l’on songe que, le divin étant l’inconnu, l’idée du divin est la première qui doive occuper la pensée naissante.

Les enfants sont religieux ; ce n’est pas à dire qu’ils soient spiritualistes. Le spiritualisme est la suprême élégance de l’intelligence déjà sur le retour. C’est par le fétichisme que commença l’humanité. Les enfants la recommencent. Ils sont de profonds fétichistes. Mais