Page:La Vie littéraire, II.djvu/95

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vicaire, il reçut un jour d’une vieille demoiselle un exemplaire de l’Imitation elzévir, relié en drap pourpre, sur lequel la pieuse donatrice avait brodé de sa main un calice d’or. Il en rougit de plaisir et d’orgueil et s’écria : « Voilà un présent dont M. Bossuet lui-même eût été honoré ! » Je veux croire que mon vicaire et mon chanoine ont fait tous deux leur salut et qu’ils sont dès maintenant à la droite du Père. Mais tout se paye, et dans le livre de l’Ange,

 In quo totum continetur
 Unde mundus judicetur,

la dette du vicaire et celle du chanoine sont inscrites. Je crois lire dans ce livre des livres :

« M. le chanoine, tel jour, sur le quai Voltaire, s’être délecté aux contacts suaves.— Tel autre jour, avoir respiré des parfums chez un libraire du quai des Grands-Augustins… M. le vicaire, Imitation, elzévir petit in-8° : orgueil et concupiscence. »

Voilà, à n’en point douter, ce que contient le livre de l’Ange, qui sera lu le jour du jugement dernier.

Oh ! le bon vicaire ! Oh ! l’excellent chanoine ! Que de fois je les rencontrai le nez dans les boîtes des quais ! Quand on voyait l’un, on était sûr de découvrir bientôt l’autre. Pourtant ils ne se recherchaient point ; ils s’évitaient plutôt. Il faut bien avouer qu’ils étaient un peu jaloux l’un de l’autre.

Et comment en eût-il été autrement, puisqu’ils chassaient sur les mêmes terres ? Chaque fois qu’ils se rencontraient,