Aller au contenu

Page:La Vieuville - Essai de psychologie japonaise, 1908.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sacrées de s’évertuer à l’envi. On fait des vers quand on est gai, et on en fait encore plus quand on est triste. Quand on va à la campagne et quand on reste au logis. Quand on rencontre l’âme sœur, et quand l’infidèle s’enfuit. Quand on se marie et surtout quand on se suicide. On ne saurait mettre fin à ses jours en se jetant dans le torrent approuvé de quelque cascade, seul ou à deux, voire à trois, sans accrocher à une branche d’arbre prochaine un petit papier couvert d’une petite poésie. On donne en vers ses raisons de quitter la vie et en vers on fait ses adieux aux bons amis. Même avant de mourir de mort naturelle, on exhale ses dernières impressions en un quatrain. Ce besoin d’exprimer en vers ses admirations, ses regrets ou même de simples lieux communs paraît si enraciné dans le cœur japonais qu’il vaut la peine de s’y étendre un peu. C’est donc le plus poétisant de tous les peuples, et cependant, à notre manière de voir, il n’a pas un poète. On a déjà vu qu’il n’a pas d’épopée ni — No à part — de drame. Les poèmes sont courts, combien courts on va le voir, sobrement lyriques, légers, souvent puérils, sentimentaux ou épigrammatiques. Toutes les pointes et les jeux d’esprit les ornent (?) à profusion. Le calembour y fleurit et les bouts rimes ont un succès fou.