La forme consacrée de ces petites élucubrations poétiques est une courte strophe de cinq vers contenant en tout 31 syllabes ainsi disposées : 5-7-5-7-7-. Il faut que tout s’exprime en 31 syllabes sans obligation de rime, et la langue japonaise se prête très bien à ce genre d’exercice ; elle est douce, harmonieuse, syllabique et rime presque forcément d’elle-même. Mais tout le monde ne peut pas s’élever jusqu’à 31 syllabes, en cinq vers. Il y a une autre forme très populaire de poésie qui n’en a que 17 en trois vers, de 5-7-5- syllabes. Et il y a de ces très courtes épigrammes qui passent pour des chefs-d’œuvre que tous connaissent et répètent au Nippon. Un étranger, naturellement surpris des proportions exiguës de la muse japonaise, sera porté à croire que les Japonais ont peu de chose à dire. Évidemment, on ne fait pas tenir les exploits d’un héros en 17 ni même en 31 syllabes ; il faut renoncer aussi à démêler en cinq vers des sentiments un peu complexes, mais on peut fixer avec élégance un aspect fugitif, une impression fine et profonde, une rencontre d’un instant, un petit tableau gracieux genre miniature. Le Japonais qui excelle aux petites choses, qui fait rêver avec trois coups de pinceau, et rend jusqu’à l’indéfinissable avec presque rien, manie avec une rare habileté ces trente