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V


Je porte au gros orteil un anneau d’or massif,
Qui me vient de mon père à qui l’avait légué
Un vieillard de grand sens mais par trop primitif,
Son oncle maternel, marchand de papegais.

Je porte, sur le ventre, un tatouage obscène
Qu’y grava, par ennui, dans l’Arabie Heureuse,
L’esclave préférée, insouciante et vaine,
D’un calife éminent et d’humeur scrupuleuse.

Je porte dans le dos, à la hauteur des reins,
La marque rouge encor d’un coup de boummerang,
Outrage inexcusable et grossier à dessein
D’un papou, qui d’ailleurs le paya de son sang.

Mais je porte en mon cœur, à l’abri des atteintes
Du temps et de l’oubli, le souvenir futile
D’une créole de Saint-Pierre aux lèvres peintes
Dont les baisers grisaient comme le vin des Iles.