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Page:La Ville de Mirmont - Les Pétrels, conte paru dans La Pette Gironde, 26 sept 1940.djvu/4

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Les pétrels

(Conte)


Il faut dire avant toute chose que les pétrels sont des oiseaux myopes. On attribue à cette infirmité congénitale l’incertitude de leur vol, ainsi que leurs mœurs à la fois imprudentes et timides. Le fait même qu’ils vivent dans un milieu un peu flou et dont l’éclairage laisse à désirer, expliquera peut-être, s’il ne l’excuse, l’entreprise hors du sens commun dans laquelle ils se jetèrent un jour, sans raison valable.

Il pouvait être sept heures du soir, et les pétrels se reposaient sur le sable tiède d’une plage peu fréquentée, au long de cette limite d’écume que la mer trace d’habitude à ses conquêtes illusoires avant de redescendre. Un chasseur de mouettes et son chien les eussent pris de loin, pour des pierres blanches alignées parmi d’autres débris. Quelques méduses miroitaient encore çà et là ; une flaque reflétait un nuage ; un navire paraissait immobile à l’horizon.

Arrondi, enfin, tel qu’une grosse lune aveuglante, le soleil ― il brille hélas ! pour tout le monde ! ― se disposait à tomber dans l’eau devant son public habituel des stations balnéaires, attentif à ne pas manquer le rayon vert final.