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ESSAI SUR L’HISTOIRE

tons gallois [1] ; » Giraud de Barry, en 1182 : « qu’un grand nombre des mots de leur langue, et même presque tous, étaient encore intelligibles pour les Gallois [2] ; » et, au xiie siècle, la chronique de saint Denis, traduisant un auteur du viiie, précédemment cité par nous : « Icèle gent (de Léon, Tréguier, Cornouaille et partie de Saint-Brieuc et de Vannes) retient encor la langue des anciens Bretons, et cette gent sont ore celles qui sont appelées Bretons bretonnants [3]. » Malheureusement l’état de choses dont nous parlons ne pouvait durer bien longtemps : la croisade de 1247 et les suivantes, où la noblesse trégorroise, cornouaillaise et léonnaise se jeta, en masse, comme l’attestent des titres récemment découverts, et surtout la sanglante querelle d’un demi-siècle entre les de Blois et les Montfort, qui fit, cent ans après, de la Bretagne, le champ-clos des prétentions françaises et anglo-normandes, fuirent les deux grandes brèches par lesquelles le français s’introduisit en Basse-Bretagne : ces guerres multiplièrent les rapports entre les Bretons bretonnants et les étrangers, les mêlèrent aux Bretons-Gallos, ruinèrent l’existence d’un grand nombre de familles nobles de la Basse-Bretagne, qui furent expropriées, bannies ou tuées et remplacées par des Normands, Anglo-Normands, Angevins, Poitevins et Manceaux, tous parlant français, ainsi que leurs vassaux et serviteurs ; si bien que les Bas-Bretons des classes supérieures, comme le haut clergé, les barons et les notables des villes, sans cesser de parler leur langue maternelle, se virent insensiblement forcés, pour communiquer avec les nouveaux venus, d’apprendre la langue de France. Malgré cela, les écrivains du xive siècle nous représentent le breton comme l’idiome général des évêchés de Léon, de Cornouaille et de Tréguier [4] ; et tandis que, dans celui de Nantes, les statuts synodaux ordonnent aux pré très d’instruire les laïques à baptiser en langue romane, leur langue maternelle[5], en Basse-Bretagne, ils leur prescrivent de baptiser en langue bretonne, en prononçant bien toutes les paroles dans l’idiome breton ; ajoutent-ils avec insistance ; « et quand un laïque aura baptisé un enfant, continuent-ils, le prêtre l’interrogera avec le plus grand soin sur la langue dont il s’est servi, et s’il reconnaît qu’il a fait usage du breton, il approuvera le sacrement comme bien administré [6]. » A la vérité, il ne s’agit ici que des laïques, et il y a lieu de croire que les ecclésiastiques étaient moins fidèles à la langue du pays, car les statuts mentionnés plus haut reprochent à plusieurs de l’ignorer [7]. Ils vont plus loin, et, comme si leur rédacteur avait gardé l’esprit national de ces chefs bretons qui destituaient sagement, au ixe siècle, les évêques de langue étrangère, ils portent cet

  1. Moribus linguàque nonnihil à nostris britonibus degeneres. (Ed. de Saville. p. 7 et 8.)
  2. Cambris in multis adhùc et ferè cunctis intelligibili. (Giraldus. Cambriie descriptio. c. 6.)
  3. Vid. suprà. p. xx. Note 1.
  4. Froissard. Edition de Buchon.
  5. Romano verbo, seu lingua materna. (Ap. D. Morice. Preuves. T I)
  6. Doceantur laici i presbyteris… baptizare debere… in lingua britonica… omnia verba proferantur sermone britannico… Et quando laicus puerurim baptizaverit, sacerdos diligenter interroget quid factura fuerit et quid dictura, et si invenerit in lingua britonica integrè et debito modo verba sacraraenti protulisse, approbet factum. (Ibid.)
  7. Rectores nonnulii idioma vulgare britannicum ignorantes. (Lobineau. Preuves. T. II. col. 1609.)