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ESSAI SUR L’HISTOIRE

composées contre les Bretons bretonnants, du xvie siècle à la fin du xviii* (iLc. ridicule qu’elles jetaient sur[eux, et qu’ils n’eurent pas toujours le courage de braver, fit à leur idiome national une blessure profonde, élargie, à cette dernière époque, par la révolution française, et qui saigne encore.

Je viens d’accuser les Bretons d’avoir manqué de courage en ne résistant pas aux attaques dirigées contre leur langue ; ce reproche est loin d’avoir été mérité par tous : une réaction mémorable eut lieu, dont il me reste à entretenir le lecteur. Elle date de la mort de la duchesse Anne, et plus particulièrement, de l’année i532, où fut consommée l’union de la Bretagne à la France. Fatiguée d’une guerre sans cesse renaissante, et voyant luire, avec le règne de leur jeune duchesse, l’aurore d’un avenir meilleur, la nation bretonne s’était laissé fiancer au royaume de France ; mais, si la masse du peuple accepta ce joug nuptial avec joie, plusieurs gardèrent des regrets au fond du cœur ; quand la duchesse mourut, ils cherchèrent secrètement l’occasion de reconquérir leur indépendance, et la Ligue, à laquelle ils rattachèrent leur cause, devait leur en offrir une à la fin du xvi* siècle. Le mépris qu’affectaient pour leurs coutumes nationales les Français venus en Bretagne, ou les Bretons infidèles à la langue du pays, et les efforts qu*ils faisaient pour les avilir, redoublèrent Topiniàtreté que mirent les Bretons bretonnants à les maintenir. Comme nous l’avons vu, la poésie populaire prêtait son appui constant aux sentiments patriotiques, en maudissant la vipère gauloise éclose au nid de la colombe armoricaine. Toujours sur la brêche, l’arme au bras, l’œil éveillé, l’oreille au guet, prête à crier qui vi>e et à lancer sa flèche à l’ennemi, elle continuait à jouer un grand rôle dans toutes les affaires du pays ; pas un événement de quelque importance qui ne fût annoncé, loué ou blâmé par les poètes nationaux ; pas un sentiment dont ils ne se fissent l’organe dès sa naissance ; leurs chants, circulant rapidement de manoir en manoir, de bourgade en bourgade et de chaumière en chaumière, faisaient l’office de papiers publics ; et partout où la langue du berceau était celle de la famille, le peuple, regrettant les jours de soh indépendance, répétait cet énergique refrain qui devait être le cri de guerre des ligueurs bretons : Jamais, non, jamais, la génisse ne s’alliera au loup (2) ! Les auteurs dramatiques secondaient activement l’élan national donné par les chanteurs populaires ; aussi estce l’époque florissante du théâtre breton : le nombre de mystères et d autres pièces du même genre qui nous restent dépassent cent cinquante ; jamais, dans aucun siècle, on n’en composa autant en Basse-Bretagne. Celles qui avaient le mieux réussi étaient publiées, soit à Tréguier, soit

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  1. (1^ Qui ne se rappelle celle qui commence El qui finit par ceux-ci : par le vers : _ C’est un P^tra Baragouinez, gms Que je tiens, que je mène, De Basse-Bretagne, C’est un Vélra Baragouinez, guas, Que je liens par le bras. Tant qu’il vous plaira. Tu danseras, Uara-Ségal Tu danseras, vilain PéUa.
  2. Barzaz-Breiz. T- II. p. 89.