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DE LA LANGUE BRETONNE.

langue, lui donna une ardeur nouvelle ; de retour en Bretagne, il chercha, il nota, il coordonna, pendant plusieurs années, les lois de l’idiome d’Armorique, ramenant à une pratique uniforme les coutumes locales et particulières contraires aux règles générales, et composa sa grammaire, cette charte littéraire des Bretons (1807). L’ordre renaissait alors en France : le premier consul, qui aimait la bravoure bretonne, qui avait appelé la résistance armée de l’Ouest une guerre de Géants, et qui, d’autre part, admirait beaucoup les poèmes celtiques attribués à Ossian, encouragea la création d’une académie ayant pour but d’étudier les antiquités nationales et particulièrement la langue et les usages des Gaulois. Le Gonidec en devint un des membres les plus distingués ; le désir de présenter quelques éléments utiles aux recherches de ses collègues, le détermina à mettre au jour sa grammaire. Malheureusement, ils ne surent pas en profiter, et laissèrent aux générations nouvelles l’art d’en tirer parti. La plupart, amis de Le Brigant et de Latour-d’Auvergne, avaient, comme ces deux archéologues, plus d’enthousiasme que de science et de critique, et l’Académie celtique, qui revit aujourd’hui sous le nom de Société des Antiquaires de Finance, dut mourir de ses propres excès. Quoi qu’il en soit. Le Gonidec, dont les philologues éclairés ne confondirent pas les travaux avec ceux des visionnaires celtiques, poursuivit l’étude à laquelle il avait dévoué sa vie, et publia, en 1821, un dictionnaire breton-français. Encouragé par le jugement flatteur que rendit de ce recueil et de la grammaire, dans le Journal des Savants, Abel Rémusat, la plus grande autorité du temps, il se mit à composer un dictionnaire français-breton : outre le désir de soumettre, au jugement des hommes instruits, le répertoire complet des mots de la langue bretonne, il avait pour motif, en l’écrivant, de s’aider lui-même dans la traduction du Catéchisme historique, de Fleury, des Visites au S. Sacrement, de Ligori, de l’Imitation de J.-C., et surtout de l’Ancien et du Nouveau Testament dont le dernier parut en 1827. Il pensait aussi qu’il pourrait être utile non-seulement au clergé, pour la prédication, et aux habitants des châteaux et des villes qui ont des rapports journaliers avec les campagnes, et introduisent souvent des mots français dans le breton, mais surtout aux étrangers que leurs affaires appellent en Bretagne, et aux fonctionnaires de toutes les classes que leurs attributions mettent en relation avec des hommes qui ne les comprendraient point, s’ils ne s’adressaient pas à eux dans l’idiome vulgaire. Par malheur, la mort a surpris Le Gonidec (1838) avant qu’il ait pu mettre au jour son second dictionnaire, et il a légué, en mourant, cette tâche à ses disciples, avec l’achèvement de son œuvre.

Ceux-ci ont profité des leçons de leur maître et des fautes qui ont perdu l’Académie celtique. Plus modestes que leurs devanciers, plus sévères pour eux-mêmes, dégagés des liens d’un certain patriotisme puéril et maladroit, n’aimant pas moins que leurs pères leur histoire, leur langue et leur littérature nationales, mais alliant cet esprit à toutes les grandes idées nouvelles, fidèles à la petite patrie, sans cesser de l’être à la grande, passionnés pour la vieille civilisation celtique, si je puis employer ce mot, mais aussi pour les progrès de la haute civilisation moderne, prenant dans leurs travaux l’histoire et les faits pour seuls guides, et non