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ESSAI SUR L’HISTOIRE

les feux-follets de leur imagination, ils suivent les sentiers sûrs qui mènent à la vérité.

Leur premier acte fut un hommage filial à la mémoire de Le Gonidec : ils lui votèrent un monument dont l’érection a eu lieu, avec une grande solennité, le 12 octobre 1845, au Conquet, sa ville natale, sous la présidence de Mgr Graveran, évêque de Quimper. Depuis, ils lui en ont élevé un autre plus durable que le Kersanton : ils ont fait imprimer son grand ouvrage posthume, le Dictionnaire français-breton, et réimprimer sa Grammaire, qui parait pour la troisième fois, avec son Dictionnaire breton-français, aujourd’hui à la seconde édition, et considérablement augmenté. Mieux que la pyramide de granit, ces livres apprendront à la postérité le nom vénéré de l’homme si justement nommé, dans l’inscription de son mausolée, le savant le sage, le législateur du breton [1].

Les membres de la nouvelle école (qu’on me pardonne de lui donner ce nom ambitieux) ne s’en sont pas tenus là : voulant vulgariser encore plus l’instruction et la faire descendre dans les masses, ils ont publié une petite grammaire bretonne usuelle, d’après la méthode de Le Gonidec, suivi d’un traité de la versification celtique, le premier qui ait jamais été écrit dans le dialecte armoricain, et un dictionnaire français-breton, sur le modèle du dictionnaire breton-français du maître. La collection et la publication des textes devait aussi appeler leur attention : l’un d’eux, au retour d’une fête de famille donnée par les Bretons du pays de Galles à leurs frères d’Aimorique, a fait imprimer un choix des chants mythologiques, héroïques, historiques, domestiques et religieux de la Bretagne, conservés par la tradition et appartenant à tous les dialectes, à toutes les époques, depuis le v*= siècle jusqu’à nos jours ; un autre a réédité, avec discernement, les plus beaux chants sacrés composés par Michel Le Nobletz, Maunoir et leurs successeurs dans l’apostolat ; un troisième enfin s’est borné aux chants religieux et nationaux bretons nés sous l’influence des orages révolutionnaires. Et, pour frapper à la fois les yeux, l’oreille et l’esprit du lecteur, on a joint à ces recueils les airs originaux notés, et plusieurs morceaux du premier ont été publiés par livraisons, en une édition populaire de luxe tirée à dix mille exemplaires, avec des gravures sur bois soigneusement exécutées. Mais aucune de ces publications n’avait encore été faite que déjà la harpe nationale d’Armorique, retrouvée par le poète des Bretons et si souvent maniée depuis avec tant d’éclat et de talent, résonnait en l’honneur du pays natal : elle y ranimait l’art savant des vieux bardes, aujourd’hui en pleine culture, prenant toujours comme eux, pour sujet de ses chants, l’éloge des saintes croyances, des mœurs patriarcales, des usages vénérables, des traditions de gloire et de loyauté, des costumes pittoresques et de la langue du pays, ou la satire des innovations ridicules et intempestives. Le théâtre breton lui-même, persécuté sous l’ancien régime, s’est rouvert avec notre siècle ; autorisé par une administration éclairée et bienveillante, il est pleinement libre aujourd’hui, et poursuit, aux grandes fêles, dans plusieurs villes et bourgades, le cours de ses représentations. Non contents de jouer les vieilles pièces, les poètes en ajoutent chaque

  1. Dén gwiziek ha dén fur, reizier ar brésonek.