personne. Ah ! oui, je me moquais bien de Cécilia alors, et je me réjouissais, je me flattais d’être partie et d’avoir abandonné avec elle toute sa clique de chercheurs d’amour. Les jours me semblaient trop courts ; je restais de longs après-midi à rêvasser sur une chaise, au Luxembourg et au Parc Monceau ; je me laissais faire la cour par un tas de bonshommes qui m’offraient Dieu sait quelles merveilles et que j’envoyais promener d’un : « Laissez-moi tranquille » sec et tranchant. Le soir, je m’asseyais à la terrasse d’un restaurant et tout en chipotant dans mon assiette, je m’amusais à observer les couples d’amoureux qui passaient, enlacés. Et cela me donnait de légers frissons ; j’avais envie, moi aussi, d’être comme eux, avec un petit amant qui aurait mon cœur… Après dîner, je traînais mes pas alanguis sous l’éclat fulgurant des lustres du boulevard, inquiète un peu de rencontrer Cécilia ; puis, fatiguée de l’insistance des hommes, je grimpais sur l’omnibus pour regagner mon hôtel. Chaque soir, j’éprouvais une surprise de me voir seule dans cette chambre étroite et sombre, dans ce grand lit où les oreillers étaient placés l’un à côté de l’autre. Mais j’aimais
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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE