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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Le jour de mon arrivée à Pétersbourg, il faisait un temps splendide. J’avais quitté le presbytère par une pluie battante ; on aurait dit que la nature pleurait toutes ses larmes, puisque je l’abandonnais et j’avais le cœur bien gros en contemplant encore une fois mon petit domaine tout noyé de vapeurs. Pendant quatre jours, le ciel inonda la terre. Le train courait sur les rails luisants, au travers de campagnes tristement détrempées. Munich pataugeait dans une boue épaisse ; Vienne secouait sur ses habitants une brume pénétrante et Varsovie était grise, telle une vieille sorcière laide et méchante ; mais, au cours de la cinquième nuit, le temps changea et un joyeux rayon m’éveilla, à travers la portière du wagon. Le ciel était pur, d’un azur pâle et velouté propre aux ciels du Nord. L’herbe des prairies ondulait doucement sous une brise légère, tachée des mille points multicolores des fleurs. Et dans le lointain, se profilait en sombre l’horizon bas des forêts de sapin ; des fumées bleues montaient dans l’air et les isbas s’éveillaient ; sur tout cela planait la fraîcheur dorée du soleil levant. Et c’était si joli.