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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Aussitôt arrivée, la grande-duchesse me fit appeler chez elle. Elle me parla en très bon français, avec des inflexions douces et je sentis que j’aurai de la sympathie, oui, de la pitié même pour elle. Puis elle me présenta mes deux élèves, Serge et Alexis, dix et sept ans.

Je ne vis le grand-duc que le soir. Admise à la table de la famille en raison de mes fonctions, je pris place entre mes élèves, en face de la duchesse. Huit heures venaient de sonner. Tout à coup, un grand bruit de bottes à éperons, des pas lourds, des éclats de voix. Serge et Alexis ne soufflent mot, le nez sur leur assiette ; la porte s’ouvre avec violence et le grand-duc apparaît. Dieu, que j’ai eu peur ! Tout de suite, je me suis souvenue du Petit Poucet et de l’Ogre, du méchant ogre qui tua ses petites filles.

La duchesse lui adressa un bonjour timide et les deux pauvres gosses lancèrent en même temps, comme une leçon bien apprise, un imperceptible :

— Sdrastvouitié Papacha !

Sans daigner répondre, le grand-duc s’installa sur sa chaise avec les grâces d’un ours