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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

pu se passer d’elle. C’est pourquoi j’avais pour Lina presque de l’admiration et je désirais vivement son amitié.

Lorsqu’elle s’aperçut du manège du grand-duc et de son obstination à me poursuivre, Lina se mit à me considérer en silence, avec une sorte de pitié et de commisération. Quand je la rencontrais, nous échangions un regard. Mes yeux disaient : Tu vois ce qui se passe ; protège-moi ! et ses yeux répondaient : Pauvre petite, prends garde !

Quand les valets eurent observé l’insistance du grand-duc à mon égard, ils se mirent à ricaner derrière mon dos. Je les voyais se pousser du coude en me regardant et dans les corridors, ils me lançaient d’insolents coups d’œil, en passant. Cela m’exaspérait plus encore que la surveillance obstinée du maître et j’avais des envies de souffleter leur mufle de vilains singes.

Un jour que je traversais le long corridor qui sépare la chambre d’études des appartements de la duchesse, je faillis tomber sur deux valets de table ; ils s’effacèrent aussitôt et me firent une grande révérence en ricanant :

― Madame la grande-duchesse !