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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/116

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Que le sang de nos barons a rendues vermeilles.
Ému de pitié, il ne peut retenir ses pleurs.
Il arrive au sommet, sous deux arbres ;
Il reconnaît, sur les trois perrons, les coups de Roland,
Et voit son neveu gisant sur l’herbe verte.
Il ne faut pas s’étonner si la colère s’empare de lui.
Il met pied à terre et se met à courir,
Prend le comte dans ses deux mains
Et, plein d’angoisse, tombe évanoui sur son corps.


CCIX

L’Empereur revient de pâmoison,
Le duc Naimes et le comte Acelin,
Geoffroy d’Anjou et son frère Thierry
Prennent le roi et l’adossent à un pin.
Il regarde à terre et voit son neveu gisant.
Il se prend tout doucement à le regretter :
« Ami Roland ! Que Dieu te prenne en pitié
Jamais on ne vit ici-bas pareil chevalier
Pour livrer et pour remporter de si grandes batailles.
Voici que mon honneur tourne à son déclin. »
L’Empereur ne peut s’empêcher de se pâmer.


CCX

Le Roi Charles revient de sa pâmoison ;
Quatre de ses barons le tiennent par les mains.
Il regarde à terre et voit Roland étendu ;
Son vaillant corps a perdu sa couleur ;
Ses yeux, tournés, sont tout pleins de ténèbres.
Charles le plaint d’un cœur tendre et fidèle :
« Ami Roland, Dieu mette ton âme en saintes fleurs
Au Paradis, parmi les saints glorieux !
Tu es venu en Espagne pour ton malheur !
Il n’y aura pas de jour que je ne souffre pour toi.
Comme ma force et ma joie vont déchoir !
Je n’aurai plus personne pour soutenir mon honneur,