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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/86

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Il n’oublie pas le cri de guerre de Charles
Et crie : « Montjoie ! » d’une voix haute et claire,
Puis il appelle Roland, son ami et son pair :
« Sire compagnon, venez vous mettre près de moi ;
À grande douleur, nous allons être aujourd’hui séparés. »


CLI

Roland regarde Olivier au visage :
Il est livide, décoloré et pâle ;
Le sang vermeil lui jaillit du corps,
Et les gouttes en tombent à terre.
« Dieu ! dit le comte, je ne sais que faire en ce moment.
Sire compagnon, votre courage fut malheureux,
Jamais on ne verra d’homme de votre valeur.
Hélas ! Douce France, tu vas donc être privée aujourd’hui
De bons serviteurs ; tu vas être écrasée, confondue.
L’Empereur en aura grand dommage. »
À ces mots, il s’évanouit sur son cheval.


CLII

Voici Roland pâmé sur son cheval
Et voilà Olivier blessé à mort.
Il a tant perdu de sang que ses yeux sont troubles ;
De près ni de loin, il ne voit plus assez clair
Pour reconnaître homme qui vive.
Il va à la rencontre de son compagnon.
Le frappe de haut sur le heaume gemmé d’or,
Et le lui fend en deux jusqu’au nasal,
Mais sans atteindre aucunement la tête.
À ce coup, Roland l’a regardé ;
Il lui demande avec douceur et tendresse :
« Sire compagnon, le faites-vous exprès ?
Je suis Roland, celui qui tant vous aime.
Vous ne m’avez, que je sache, défié en aucune façon. »
Olivier dit : « Je vous entends parler,
Mais sans vous voir ; ami, que Dieu vous voie !