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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/87

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Je vous ai frappé, pardonnez-le-moi. »
Roland répond : « Je n’en ai point de mal
Et vous le pardonne, ici, et devant Dieu. »
À ce mot, ils s’inclinent l’un vers l’autre
Et, sur cette marque d’amour, les voilà séparés.


CLIII

Olivier sent l’angoisse de la mort,
Ses deux yeux chavirent dans sa tête,
Il perd l’ouïe, et achève de perdre la vue,
Met pied à terre et sur le sol se couche,
À haute voix s’accuse de ses fautes.
Joint ses deux mains qu’il lève vers le ciel,
Implorant Dieu de lui accorder le Paradis
Et de bénir Charles et la douce France,
Et son compagnon Roland par-dessus tous les hommes.
Le cœur lui manque, et sa tête s’incline,
Et tout son corps s’allonge sur la terre.
Le comte est mort, c’en est fait.
Le baron Roland le pleure et se lamente ;
Jamais vous n’entendrez sur terre homme plus triste.


CLIV

Quand Roland voit que son ami est mort,
Que son visage est tourné vers le sol.
Il se met, très doucement, à le regretter :
« Sire compagnon ! quelle funeste vaillance !
Nous avons été unis tous les ans et tous les jours ;
Jamais tu ne me causas de peine et jamais je ne t’en causais
Quand tu es mort, c’est une douleur pour moi que de vivre. »
À ces mots, le marquis s’évanouit
Sur son cheval qu’on nomme Veillantif,
Mais, affermi sur ses étriers d’or fin,
Où qu’il aille, il ne saurait choir.