Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/207

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LE DIEU DES BONNES GENS

Air du vaudeville de la Partie carrée.


Il est un Dieu, devant qui je m’incline,
Pauvre et content, sans lui demander rien.
De l’univers observant la machine,
J’y vois du mal, et n’aime que le bien.
Mais le plaisir à ma philosophie
Révèle assez des cieux intelligents.
Le verre en main, gaiment je me confie
      Au Dieu des bonnes gens.

Dans ma retraite où l’on voit l’indigence,
Sans m’éveiller, assise à mon chevet,
Grâce aux amours, bercé par l’espérance,
D’un lit plus doux je rêve le duvet.
Aux dieux des cours qu’un autre sacrifie !
Moi, qui ne crois qu’à des dieux indulgents,
Le verre en main, gaiment je me confie
      Au Dieu des bonnes gens.

Un conquérant, dans sa fortune altière,
Se fit un jeu des sceptres et des lois,
Et de ses pieds on peut voir la poussière
Empreinte encor sur le bandeau des rois.
Vous rampiez tous, ô rois qu’on déifie !
Moi, pour braver des maitres exigeants,
Le verre en main, gaiment je me confie
      Au Dieu des bonnes gens.

Dans nos palais, où, près de la Victoire,
Brillaient les Arts, doux fruits des beaux climats,
J’ai vu du Nord les peuplades sans gloire
De leurs manteaux secouer les frimas.
Sur nos débris Albion nous défie ;
Mais les destins et les flots sont changeants :
Le verre en main, gaiment je me confie
      Au Dieu des bonnes gens.