Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/206

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Sous la treille un petit Pompée
Criait aux badauds étonnés :
« Dans ma vie, ah ! quels coups d’épée.
Quels coups de sabre j’ai donnés !
Quels coups de fusil ! Quels coups… » Leste,
Il mord la grappe là-dessus,
Et poursuit d’un air plus modeste :
« Quels coups de bâton j’ai reçus ! »
Nous n’avons plus, etc.

Au moment de donner la vie
A l’héritier de son époux,
Une jeune femme eut envie
De ce raisin si beau, si doux !…
Et le pauvre homme, ayant pour elle
Cueilli le fruit qu’elle happa :
« Que mon cousin, lui dit la belle,
Sera content d’être papa ! »
Nous n’avons plus, etc.

Un curé, que le saint bréviaire
Amusait moins que le bon vin,
S’avisa de monter en chaire
Plein du jus du fatal raisin.
« Frères, dit-il à l’auditoire,
Malgré tout ce que je vous dis,
Je sais aimer, chanter et boire,
Et je fais gras les vendredis… »
Nous n’avons plus, etc.

Mais hélas ! par l’ordre du prince,
Ce raisin, justement vanté,
Un jour du fond de sa province,
Près du trône fut transplanté.
Pauvre treille, autrefois si belle,
Que venais-tu faire à la cour ?
L’air en fut si malsain pour elle
Qu’elle y mourut le premier jour.
Nous n’avons plus, etc.

Désaugiers.